C’était il y a cinq ans seulement. Une éternité en politique. Ibrahim Boubacar Keïta, alors candidat à la présidence malienne, bénéficiait d’un atout majeur : la présence à ses côtés de l’un des hommes d’affaires les plus riches et les plus puissants du pays, Aliou Boubacar Diallo. Une alliance qui semblait devoir durer tant les deux hommes partageaient (du moins sur le papier) les mêmes ambitions réformatrices pour le pays.
L’argent et l’influence d’Aliou Boubacar Diallo, notamment auprès des dignitaires religieux du pays, ont joué une part importante dans la large élection d’IBK lors de la présidentielle de 2013. Une victoire bâtie sur un programme clair : retour de la paix, de la sécurité et de l’intégrité du territoire national ; accélération du développement économique du Mali pour réduire la pauvreté ; lutte déterminée contre la corruption.
Les mois qui ont suivi la victoire d’IBK ont été un chemin de croix pour Aliou Boubacar Diallo et pour les militants de sa formation politique, ADP-Maliba. La situation sécuritaire n’a eu de cesse de se dégrader, renforçant encore l’impression de partition du pays que les djihadistes cherchent à imposer. La croissance n’a jamais été au rendez-vous, la faute à l’absence d’une politique volontariste de relance économique. Le nouveau pouvoir a aussi et surtout remis en place les vieilles logiques de corruption et de népotisme qui vampirisent depuis des décennies le Mali.
Les mois passant. Le souvenir des services rendus s’estompant. IBK a oublié ce qu’il devait à Aliou Boubacar Diallo. Il s’est lassé de ses récriminations et de ses demandes de changement. La rupture entre les deux hommes a d’abord pris une tournure parlementaire. IBK obtenant de ses troupes la mise en minorité d’ADP-Maliba au sein de la majorité. Histoire de ne plus avoir aux oreilles l’écho des promesses électorales faites mais jamais tenues.
Aliou Boubacar Diallo n’était pas à cette époque un homme politique à proprement parler. Ce riche homme d’affaires de 58 ans avait, en citoyen, choisi de soutenir le candidat le plus à même de remettre le pays dans le droit chemin. Force lui a été de reconnaitre qu’il s’était trompé. De là lui est venu la conviction que pour changer le Mali, il lui faudrait monter en première ligne et s’opposer personnellement à la machine politique en place.
Une attitude offensive qui acte encore plus la rupture avec IBK. Ce dernier ne supporte pas de voir la montée en puissance politique de son ancienne éminence grise. Il sait trop bien ce qu’il lui doit pour ne pas s’inquiéter de sa mise sur orbite présidentielle. Tous les coups sont désormais permis pour faire tomber Aliou Boubacar Diallo.
Et c’est évidemment par le porte-monnaie que le régime d’IBK tente d’affaiblir l’homme d’affaires. Dans une interview accordée à diverses radios libres en juin 2017, Aliou Boubacar Diallo dénonce : « Karim Keïta, avec certains ministres du gouvernement ainsi que des Européens ont voulu s’accaparer de WASSOUL’OR », la société minière fondée par Aliou Boubacar Diallo. Avant d’ajouter : « Nous sommes parvenus à créer cette entreprise alors qu’ils n’étaient pas encore au pouvoir. Et c’est cette société qui les a aidés à y accéder. Et maintenant ils tentent de nous en déposséder. Ceci n’est pas convenable, à tous points de vue ! »
Face aux pressions du clan IBK, Aliou Boubacar Diallo tient bon. Il redouble même de détermination pour redresser le pays. Avec le soutien tacite du Chérif de Nioro, le principal dignitaire musulman du pays, il met ses troupes en ordre de bataille et prépare la campagne présidentielle.
Un début de campagne qui est un succès pour Aliou Boubacar Diallo et son parti ADP-Maliba. Son message de renouvellement politique passe particulièrement bien auprès de la jeunesse malienne qui se retrouve dans ce self-made man dont la fortune personnelle prémunira contre les tentations de corruption.
Cet entrepreneur, qui veut mener de front la bataille sécuritaire, pour le retour à l’unité territoriale du Mali, et celle (indissociable) du développement économique et de la lutte contre la pauvreté, trouve de nombreux relais et soutiens dans la société civile. Chaque semaine de nouvelles personnalités se rallient à son nom et il apparait de plus en plus comme le rival numéro un du président IBK. Voire le favori de la présidentielle.
IBK semble dépasser par le train du changement. Il est trop tard désormais pour faire oublier quatre années de gestion solitaire du pouvoir. Trop tard pour étouffer les scandales. Trop tard surtout pour se prévaloir d’autre chose que d’un bilan sécuritaire et économique catastrophique. En cinq ans, la situation du Mali n’a pas progressé. Bien au contraire.